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Les terres rares et le mystère des glaces de spins - Gheorghe Sorin Chiuzbaian

Rencontre avec Gheorghe Sorin Chiuzbaian, porteur de projet AAP 2021, du Laboratoire de Chimie Physique-Matière et Rayonnement.

C’est dans le champ cristallin, l’environnement électrostatique des terres rares, que réside le mystère de l’appartenance des pyrochlores aux glaces de spin.

Gheorghe Sorin Chiuzbaian

Gheorghe Sorin Chiuzbaian et Amélie Juhin ont déposé un projet de recherche fondamentale portant sur les glaces de spin. Le développement d’un outil avec le Synchrotron SOLEIL particulièrement performant, la lecture d’articles durant les déplacements de Sorin et l’AAP Défis et recherche fondamentale de l’institut sont les trois facteurs qui ont conduit à la concrétisation de cette recherche sur les moments magnétiques des terres rares.

Parlez-nous de votre projet ?
Les glaces de spin sont des matériaux solides présentant un magnétisme frustré : toutes les interactions magnétiques ne peuvent pas être satisfaites à l’état fondamental du système. Assez récemment, ce type de manifestation magnétique a été mis en évidence dans des oxydes ayant une structure cristalline particulière, dite « pyrochlore ». Les mécanismes qui gouvernent l’apparition de ces glaces de spin sont encore mal compris.

J’ai découvert la recherche sur ces matériaux pyrochlores pendant mes déplacements en parcourant des articles scientifiques et je m’y suis progressivement intéressé pour son intérêt conceptuel. Lorsqu’une opportunité de contribution au sujet s’est ouverte pour moi, j’ai établi une collaboration avec un chercheur américain qui m’a proposé des monocristaux de haute qualité.

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Fiche projet

Projet : Investigation of the crystal field in rare-earth titanate pyrochlores by resonant inelastic x-ray scattering

Co-porteurs :
Gheorghe Sorin Chiuzbaian (LCPMR - SU),
Amélie Juhin (IMPMC - SU)

Doctorant : Octave Duros

Axe thématique : Défis et recherche fondamentale

J’ai découvert la recherche sur ces matériaux pyrochlores en parcourant des articles scientifiques pendant mes déplacements.

Gheorghe Sorin Chiuzbaian

Ce qui me passionne, c’est la physico-chimie de ces composés : un composé avec une certaine terre rare peut donner une glace de spin et un composé de formulation identique, mais avec une autre terre rare, non. Cela est très intriguant. Quels sont les facteurs qui font basculer d’un côté ou de l’autre ? C’est de la curiosité scientifique à l’état pur !

Pourquoi les terres rares ?
Les glaces de spin sont constituées de tétraèdres (d’où la référence à la glace). Dans les pyrochlores, les ions de terres rares et de métaux de transition forment deux réseaux interpénétrés de tétraèdres partageant des sommets. Ce sont les moments magnétiques des terres rares qui peuvent donner naissance aux glaces de spin.

Quel lien entre vos recherches et les glaces de spins ?
Je suis spécialiste en spectroscopie par diffusion inélastique des rayons X. Avec des collègues du Synchrotron SOLEIL, j’ai développé un spectromètre qui est ouvert à la communauté internationale et qui a la particularité d’être un des plus performants au plan international dans une gamme d’énergie propice à l’étude des terres rares.

C’est dans l’environnement électrostatique des terres rares, appelé champ cristallin, que réside le mystère de l’appartenance des pyrochlores de terres rares aux glaces de spin. L’étude des terres rares est donc une des clés du mystère. Grâce à notre outil spectroscopique, nous pourrions éclaircir cet aspect.

En soutenant la recherche fondamentale, IMAT a créé un espace pour enfin déposer ce projet.

Gheorghe Sorin Chiuzbaian

Votre recherche est donc purement fondamentale ?
Pour l’instant, nous nous situons effectivement dans la recherche fondamentale. Des collègues essaient de comprendre d’un point de vue théorique les changements de comportement dus aux terres rares. Mais, pour eux, le champ cristallin à prendre en compte n’est pas caractérisé avec une précision suffisante. Nous espérons produire des résultats permettant de choisir parmi les modèles théoriques actuellement proposés ceux à même de décrire de manière satisfaisante cette famille de systèmes.

Comment s’est passée la sélection de votre doctorant ?
Ce projet de thèse est un travail collaboratif. Les spectres que nous enregistrons sont assez compliqués à interpréter. En particulier, en extraire des paramètres du champ cristallin, requière d’avoir recours à un traitement théorique.

Je travaille avec Amélie Juhin de l’IMPMC, codirectrice de thèse : elle est théoricienne et son champ de recherche concerne la diffusion inélastique. Sa contribution en modélisation nous permet de « lire » les résultats spectroscopiques. Cette collaboration est indispensable : je peux faire des mesures extraordinaires, mais c’est Amélie qui m’aidera à décrypter les données spectrales pour en extraire des résultats quantitatifs sur le champ cristallin et montrer leur impact sur les propriétés des pyrochlores.

Nous recherchions donc un candidat capable non seulement de s’impliquer dans des expériences sur synchrotron, qui sont complexes, mais aussi de s’investir dans l’analyse théorique des spectres. Le temps imparti pour le recrutement a été assez court, mais nous avons réussi à sélectionner un candidat avec les compétences requises.

Que vous apporte le soutien de l’institut ?
Ce que nous apporte l’initiative de l’institut ? Amélie est en Physique ; moi je suis en Chimie. Avant, nous n’avions donc pas de cadre local permettant de déposer des projets communs. iMAT a créé un espace pour déposer enfin ce projet : nous étions prêts depuis quelque temps, et l’institut, en soutenant la recherche fondamentale par un appel à projets dont un critère de sélection est l’interdisciplinarité, a créé un concours propre à mener cette recherche interdisciplinaire.

Interview réalisée par

Emmanuel Sautjeau

Cette article est extrait de la newsletter n°4