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Christian Brouder, enquête sur l'origine des plaques Lippmann de l'IMPMC

Entretien avec Christian Brouder, directeur de recherche CNRS à l’IMPMC et référent scientifique sur le projet Lipmann de l'institut.

Interview réalisée en Mars 2021

Quelles est l’origine de cette collection ?
Les photochromies de la collection de Sorbonne Université sont toutes issues de la production de Gabriel Lippmann ou de son laboratoire de recherche, le Laboratoire de Recherches Physiques de la Faculté des sciences de Paris. Après leur production, Lippmann a volontairement cédé ces plaques à la faculté pour qu’elles soient utilisées dans le cadre de l’enseignement de la physique.
Pendant les événements de mai 68, les plaques Lippmann ont été mises à l’abri par René Dupeyrat qui a craint qu’elles soient détériorées lors des émeutes. René Dupeyrat était professeur au Laboratoire de Recherches Physiques de la Sorbonne depuis 1967 et spécialiste de spectroscopie Raman et d’interférométrie : il conservait les plaques Lippmann de la Sorbonne qu’il utilisait ponctuellement pour ses cours.
En 1988, voyant que la collection s’amenuise d’année en année, il décide de confier une quarantaine des plaques restantes à différentes institutions : le Musée des Arts et Métiers, le Palais de la Découverte, le Musée Nicéphore Niépce de Chalons-sur-Sâone et le Musée français de la Photographie de Bièvres. Cinq plaques sont confiées à Michèle Masson, du Laboratoire de Recherches Physiques, qui les utilise pour ses cours de CAPES.

Le projet Lippmann

Le Musée Lippmann de la couleur est un projet interdisciplinaire de culture scientifique et technique porté par L’iMAT : le but est de bâti un projet interfacultaire autour du patrimoine exceptionnel que constitue la collection des 49 plaques photographiques réalisées par Gabriel Lippmann et qui lui ont valu le prix nobel de Physique en 1908.

Gabriel Lippmann a volontairement cédé ces plaques à la faculté pour qu’elles soient utilisées dans le cadre de l’enseignement de la physique.

Ces plaques ont donc connu différentes trajectoires. Comment ont-elles été à nouveau réunies ?
Le physicien Jean-Marc Fournier, spécialiste des plaques Lippmann, constate que les plaques du musée Nicéphore Niépce sont simplement stockées sans être utilisées. Il suggère donc à René Dupeyrat de les rapatrier à Paris VI. Cette récupération sera accomplie, non sans difficulté, par Robert Pick, Pierre Ranson et Robert Ouillon. Certaines des plaques confiées au Palais de la Découverte ont par exemple été détruites lors d’essais de projection.
Les plaques ont finalement été rassemblées, répertoriées et conservées dans le Laboratoire de Recherches Physiques. A cette époque, la collection comptait une cinquantaine de plaque.

Et les plaques sont alors mises à l’abri définitivement ?
Pendant un certain temps que j’essaie de déterminer, les plaques ont effectivement été conservées dans le coffre de Jean-Claude Chervin, du Laboratoire de Physique des Milieux Condensés, qui a fusionné en 2005 avec le Laboratoire de Cristallographie de Paris pour devenir l’IMPMC.
Finalement en 2003, une partie des locaux de la faculté de Jussieu, dont le Laboratoires de Recherches Physiques, déménage sur le site de l’Hôpital Boucicaut à Paris suite aux travaux de désamiantage du campus. A l’occasion de la réintégration en 2010, les plaques sont récupérées et inventoriées une nouvelle fois.
En 2014, Marie Lamotte, en formation pour un diplôme de restauratrice du patrimoine spécialisée dans la photographie, s’est intéressée à la caractérisation de l’altération du baume du Canada employé comme matériau de collage des plaques Lippmann. Elle choisit comme objet d’étude un corpus de 6 photochromies interférentielles dont 2 de la collection de l’IMPMC. Ce mémoire est un témoignage précieux d’une restauration menées pas à pas : il sera une source d’informations importantes pour les futures actions de conservation à envisager.

Quelle est la situation actuelle ?
Les plaques sont actuellement en cours d’archivage par le Service des Archives de SU et ont été visées par des spécialistes du Centre de Recherche sur la Conservation. Nous allons maintenant évaluer l’état général de la collection et envisager des actions de conservation pour celles qui sont les plus altérées par le temps et les manipulations.